Extrait de la Préface pour la quatrième édition
Lorsque cet ouvrage (écrit originellement en anglais) est paru il y a près de quinze ans, j’étais bien loin de me douter que les circonstances m’amèneraient à en rédiger plusieurs autres, mais, cette fois, directement en français.
Ce sont en fait les difficultés que j’ai constatés chez mes élèves qui m’ont incité à écrire d’autres livres développant davantage certains aspects d’un travail sur soi vital pour leur quête ; cependant, ce premier ouvrage demeure toujours une base de référence dans laquelle sont abordées des questions essentielles pour tout chercheur motivé, quelle que soit la voie qu’il suit.
Tout au long de ces années, je n’ai cessé de donner à tout aspirant sérieux des moyens spécifiques pour atteindre un état d’être et de conscience particulier qui relève d’un autre Univers en lui et qui seul peut le libérer de son conditionnement et de sa manière d’être et de se sentir habituelle — un conditionnement et une manière d’être qui constituent les racines de l’esclavage intérieur de l’être humain envers une forme d’existence qui est indissolublement liée à la mort et ne peut, par conséquent, qu’être impermanente et profondément insatisfaisante.
Comment, à notre époque, faire comprendre aux chercheurs en quoi doit consister une véritable pratique spirituelle ? Lorsqu’ils se lancent dans une quête qui n’a aucune commune mesure avec ce qu’ils attendent ordinairement de la vie extérieure, la plupart n’ont pas idée de ce qu’ils veulent réellement ; certains s’imaginent qu’il leur faut expérimenter des phénomènes extraordinaires ou éprouver de fantastiques états émotionnels, d’autres n’accordent d’importance qu’à un simple savoir livresque, ou encore se livrent à toutes sortes de pratiques exotiques ou de rituels sans soupçonner le type d’efforts qu’il leur faudrait fournir pour rejoindre un jour en eux-mêmes leur Être Céleste.
Tel qu’il est d’ordinaire, l’être humain demeure dans l’ignorance de l’Infini qu’il porte en lui. Et c’est précisément cette ignorance fondamentale que dénonçait le Bouddha lorsqu’il déclarait : “Les mauvaises actions nous souillent dans ce monde et dans l’autre. Mais il est une souillure pire que toutes les autres : l’ignorance est la pire des souillures.” (Dhammapada, 243).
Il existe en tout être humain une Conscience Immaculée et Sanctifiée qu’il lui est possible d’expérimenter durant une profonde méditation. Cependant, il ne peut La reconnaître qu’en se détachant de la puissante emprise que les sens exercent sur son être. Il faut au méditant des moyens sur lesquels s’appuyer pour l’aider à maintenir une concentration suffisamment soutenue afin de parvenir, au moins dans une certaine mesure, à se décoller de lui-même et de commencer à éprouver cet État Impersonnel dans lequel il peut, par une intuition directe, saisir le sens caché derrière les paroles énigmatiques du Christ : “Le Père et moi, nous sommes Un.”
La plupart des religions font référence à cette expérience sainte en termes si différents qu’ils paraissent au premier abord irréconciliables. Pourtant, il est dit dans l’Ancien Testament que l’être humain est créé à l’image de Dieu ; et, dans les Evangiles, le Christ n’a cessé de faire allusion au trésor perdu à la recherche duquel il faut se consacrer. Dans l’Hindouisme, on affirme que le Brahman (l’Absolu) et l’Atman (l’étincelle divine dans l’être humain) participent de la même essence qui peut être reconnue par le yogi lorsqu’il atteint l’illumination. Dans le Bouddhisme, il est question de rejoindre en soi la “Nature-de-Bouddha” inhérente à tous les êtres.
Ces différentes affirmations n’évoquent-elles pas une même expérience indicible d’ordre mystique ? Ce mystère de l’Aspect Divin de la nature humaine, sainte Catherine de Gênes le résumait en disant : “Mon Moi est Dieu, et je ne reconnais d’autre moi que mon Dieu Lui-même.” Et un maître soufi, Bayazid de Bistun, tentait de le faire appréhender par ces mots énigmatiques : “Je suis allé de Dieu à Dieu, jusqu’à ce qu’ils eussent crié, de moi en moi : O Toi moi !”
On peut encore dire que les différentes voies spirituelles sont pareilles à des chemins partant de lieux éloignés les uns des autres, mais tous situés au pied de la même montagne imposante. Si ces chemins conduisent véritablement au sommet, ils ne peuvent, à terme, que se rejoindre…