Voyages en Pays d’Éveil et de Sainteté par Michèle Michael

Cet ouvrage de Michèle Michael traite de dix chemins d’Eveil et de Sainteté, dont celui d’Edouard Salim Michael.

Il est paru en Avril 2017 chez Guy Trédaniel Editeur

Quelle convergence existe-t-il entre le cheminement spirituel du maître théravadin Ajahn Mun et Madame Guyon, la grande mystique chrétienne encore méconnue ? entre Gerta Ital, qui emprunta la voie de l’école Rinzaï du bouddhisme zen, et Swami Ramdas, qui pratiqua le bhakti-yoga, le chemin de la dévotion ? Quels sont les dénominateurs communs à ces êtres hors de l’ordinaire qui, de façon apparemment tellement différente, ont gravi les échelons menant à la réalisation ultime ? Ne s’agit-il pas d’une question de la plus haute importance pour un chercheur en quête de Vérité ? Cela ne revient-il pas à s’interroger sur ce qu’est le coeur d’une pratique spirituelle, au-delà des facteurs propres à une culture, à une époque, à une religion ? Trouver l’universel derrière le particulier, c’est la démarche de la science, c’est aussi la démarche nécessaire pour dégager l’essence de la spiritualité de contextes culturels et historiques.

Cinq femmes, cinq hommes, bouddhistes, chrétiens, hindous, dix parcours différents, dix chemins différents : ce sont les vies de ces êtres inspirants qui sont retracées ici, d’une part pour montrer qu’il y a et qu’il y aura toujours, quelle que soit l’époque, des personnes qui s’engagent totalement pour répondre à l’appel intérieur, et d’autre part pour mettre en lumière ce qu’elles ont en commun, de sorte non pas à définir un seul chemin possible, mais à repérer les passages obligés, les étapes nécessaires si l’on veut espérer aborder un jour, comme elles, en des pays d’éveil et de sainteté.

Introduction

Quelle convergence existe-t-il entre le cheminement spirituel du maitre théravadin Ajahn Mun et Madame Guyon, la grande mystique chrétienne encore méconnue ? entre Gerta Ital qui emprunta la voie de l’école Rinzaï du bouddhisme zen et Swami Ramdas, qui pratiqua le bakti-yoga, le chemin de la dévotion  ? Quels sont les dénominateurs communs à ces êtres hors de l’ordinaire qui, de façon apparemment tellement différente, ont gravi les échelons menant à la réalisation ultime ? Ne s’agit-il pas d’une question de la plus haute importance pour un chercheur en quête de Vérité ? Cela ne revient-il pas à s’interroger sur ce qu’est le cœur d’une pratique spirituelle, au delà des facteurs propres à une culture, à une époque, à une religion ? Trouver l’universel derrière le particulier, c’est la démarche de la science, c’est aussi la démarche nécessaire pour dégager l’essence de la spiritualité de contextes culturels et historiques.

Nous vivons une conjonction inégalée de bouleversements scientifiques et d’études dépassionnées des religions. Jamais comme maintenant nous n’avons eu accès à toutes les traditions, à tous les textes sacrés. Il nous est possible de constater que, dans les différentes cultures du monde, des êtres humains ont consacré toutes leurs forces à questionner avec ardeur la Source du monde phénoménal et qu’ils ont témoigné La connaître par une expérience directe.

Reconnaitre que des voies différentes mènent aux plus hauts sommets spirituels se révèle un rempart nécessaire contre le sectarisme et le fanatisme. Cela démontre l’importance d’une pluralité d’approches, selon le tempérament et les aptitudes de chacun. Toutefois, constater la valeur des fruits des différents chemins n’empêche nullement de faire preuve de discrimination à l’égard de croyances, de dogmes ou de coutumes qui résultent de la dégradation inévitable affectant tout ce qui a pris naissance dans le monde manifesté, y compris les enseignements spirituels.

Jadis, la personne qui entendait l’appel intérieur suivait la voie spirituelle de l’époque et du lieu où la vie la plaçait, sans choix possible. Il n’en est plus de même aujourd’hui. Par la multiplication de l’information, par l’abondance des sources, nous sommes naturellement amenés à avoir une perspective plus large, et par conséquent, à avoir des questionnements nouveaux et fructueux.

Une première approche consiste à rapprocher les textes sacrés des différentes traditions, à comparer par exemple les Évangiles, la Bhagavad-Gita et le Dhammapada. Cela reste néanmoins une approche intellectuelle. D’autres écrits ont traversé le temps, Plotin, Shankaracharya, Milarepa, Thérèse d’Avila ou Dogen — pour ne citer que quelques figures célèbres — ont nourri des générations de chercheurs ; ils appartiennent néanmoins à un passé plus ou moins lointain, comme le Christ ou le Bouddha. Nous risquons de penser que leurs réalisations appartiennent à un temps révolu, que les conditions ont changé et que nous ne trouverons pas à notre époque des êtres capables d’atteindre les mêmes hauteurs.  C’est pourquoi nous avons besoin de modèles plus proches de nous, qui témoignent d’un chemin qui nous parle ici et maintenant.

Rien ne touche plus que l’exemple, le parcours de quelqu’un dont on découvre les difficultés, les épreuves et qui livre ses propres expériences spirituelles. Dix parcours différents, dix chemins différents ; c’est l’objet de ce livre. Ce sont les vies de ces êtres inspirants qui sont retracées ici, d’une part pour montrer qu’il y a et qu’il y aura toujours, quelle que soit l’époque, des personnes qui s’engagent totalement pour répondre à l’appel intérieur, et d’autre part pour mettre en lumière ce qu’elles ont en commun, de sorte non pas à définir un seul chemin possible, mais à repérer les passages obligés, les étapes nécessaires si l’on veut espérer aborder un jour, comme elles, en des pays d’éveil et de sainteté.

À l’exception d’une femme ayant vécu au XVIIème siècle, les personnes dont j’ai exposé le cheminement sont quasiment contemporaines, c’est dire que la trace de leur vie ne s’est pas encore effacée, n’a pas encore été déformée par le temps. Il y en a bien d’autres sans doute, mais pour pouvoir retracer, appréhender au moins un peu un parcours spirituel, il faut avoir une biographie même succincte, et des écrits, si possible de première main, ou tout au moins de personnes ayant approché l’être exceptionnel que nous souhaitons mieux connaitre. Cela n’est pas si facile à trouver parmi celles et ceux qui ont atteint des sommets spirituels. Il y a toujours eu des mystiques qui, au fil des siècles, ont vécu ignorés, au sein de monastères, dans des ermitages, ou dans la vie laïque, et qui n’ont pas ressenti le besoin de trans­mettre leur expérience par écrit. Les femmes notamment sont peu nombreuses, particulièrement — jusque très récemment — dans le bouddhisme et l’hindouisme. C’est dans le christianisme incontestablement que les femmes ont eu le plus de possibilités de partager les fruits de leurs accomplissements spirituels.

Celles et ceux dont je retrace ici la vie et la démarche m’ont rencontré à certains moments de ma vie, ils m’ont touché, m’ont inspiré. Toutes et tous n’ont peut-être pas atteint les mêmes sommets mais toutes et tous sont des êtres d’exception par leur engagement et leur sincérité. Dès leur naissance, chacune et chacun d’entre eux ont fait preuve de qualités développées dans d’autres vies, leurs capacités hors du commun étant en vérité une preuve de la réincarnation. Ils ont apporté dans cette existence le fruit d’une pratique intérieure entreprise précédemment ; ils témoignent de la possibilité pour chacune et chacun d’entre nous de travailler ici et maintenant, sur ce que nous sommes dans le présent, en vue de se préparer un autre avenir, pour poursuivre, avec une détermination renforcée, le chemin vers la réalisation spirituelle, cette transformation totale de l’être qui libère de la souffrance inhérente à la condition humaine, qui apporte les ultimes réponses sur le sens de la vie et sur la mort, qui donne la paix et la félicité, et qui se révèle une source d’inspiration pour les autres.

Il ne s’agit nullement d’un panorama qui se voudrait exhaustif des différents chemins menant à la réalisation spirituelle. Il y a en fait autant de chemins que d’êtres réalisés, chacun d’eux poursuit la voie qui correspond à ce qu’il est à un moment donné de son histoire. Ce que j’ai tenté de cerner ici au travers de ces dix parcours si différents, ce sont les lois sous-jacentes communes, des lois spirituelles aussi rigoureuses que des lois physiques, pour mieux appréhender le but ultime d’un cheminement intérieur, mieux comprendre les obstacles et mieux cerner le type d’effort à fournir.

Lorsqu’un chercheur de vérité est parvenu à la totale transmutation de son être, que l’aspect ordinaire, personnel et limité de lui-même a disparu, et qu’il est devenu Un avec l’Absolu, le sommet de la montagne est atteint. Mais les chemins sont multiples et le danger de s’égarer représente une part non négligeable des difficultés de la voie. Tous ne partent pas du même endroit et tous n’arrivent pas au sommet. Il y a le risque de prendre un chemin qui fait le tour de la montagne et ne la gravit pas, ou de s’égarer dans des impasses, ou encore de commencer l’ascension, puis d’abandonner en route, de se croire déjà arrivé, de commencer effectivement à s’élever et sans s’en rendre compte, de suivre un chemin qui redescend, tant la facilité, l’habitude et la pesanteur s’avèrent être les pièges les plus communs.

Parmi le petit nombre qui atteint le sommet, certains s’efforcent de baliser le chemin qu’ils ont eux-mêmes suivi pour que d’autres s’engagent à leur suite, mais bien sûr, le chemin n’est qu’une partie des conditions nécessaires, car la qualité de l’alpiniste est déterminante. La route est longue et l’escalade se fait en plusieurs étapes, le grimpeur s’aguerrit, résiste aux vents violents qui soufflent à haute altitude, trouve des forces dans les beautés qu’il découvre au fur et à mesure qu’il monte et laisse dans la plaine les êtres encore enchaînés à leur attachement au monde sensible.

Ces pèlerins remarquables nous interpellent par leur exigence, mais aussi par des phénomènes parfois déroutants qui mettent à mal notre vision moderne matérialiste du monde. Leurs expériences sont tout à la fois comparables et dissemblables, car la conscience semble disposer d’un éventail de possibilités plus large que nous ne l’imaginons généralement. En effet, même si nous pensons nous intéresser à la spiritualité, nous voulons et imaginons pouvoir tout comprendre ; la psychologie occidentale et la science moderne nous formatent à notre insu et appauvrissent en nous le sens du mystère.

La conscience n’est pas une production du cerveau, ainsi que les scientifiques contemporains l’enseignent de façon implicite à nos enfants. La conscience est première et à l’origine de toute manifestation psychique et matérielle. C’est dire que connaitre les lois à l’oeuvre dans l’esprit, c’est connaitre l’essentiel.