Revue Troisième Millénaire – Septembre 2013
Réédition d’un ouvrage paru en 1983, ce livre mérite notre attention. En effet, il ne se perd pas en vaincs spéculations ou en philosophie non-duelle rassurante, mais rentre directement dans le vif du sujet qui n’est autre que nous-même ! Le constat est donné d’emblée : l’être humain est plongé dans un « sommeil diurne » très particulier : il est absent à lui-même, identifié à une rêverie hypnotique qui l’entraîne à subir la loi terrible de la « gravité »… Celle-ci attire tout vers le bas : le corps finit par aimer son inertie et sa paresse, les émotions se prélassent dans une vague négativité ou des désirs « grossiers », les pensées ressassent le passé ou fantasment un avenir illusoire. Or,, comme le précise l’auteur, les voies spirituelles insistent sur le fait de rester présent, de demeurer dans le « ici et maintenant ». Mais toute tentative d’être ici et maintenant se heurte à un obstacle de poids : le désir de rêver, le conditionnement incroyable à quitter l’instant présent pour revenir dans la rêverie « coutumière ». Salim Michaël insiste puissamment : le travail sur soi est une nécessité absolue. Vitale. L’observation et l’attention en sont les clefs de voûte, et le corps un instrument précieux car support de cette attention. Il permet « à un aspirant sincère de devenir conscient d’une manière extrêmement différente de sa manière habituelle ».
L’auteur insiste tout particulièrement dans l’ouvrage, de façon.très pédagogique et invitante, sur l’attention à un son subtil,-le « nada ». On peut dire que rares sont les ouvrages faisant référence à ce son de façon aussi claire. Il est pour Salim Michaël essentiel, et son écoute doit devenir une pratique aussi permanente que possible. On voit là à quel effort nous sommes invités car la vie nous sert des occasions de dispersion sur de beaux plateaux dorés. L’écoute du nada devient « un poteau indicateur » de l’état dans lequel on se trouve : s’évanouissant à la moindre pensée, il s’affine selon la,profondeur de la méditation. Salim Michaël donne du poids à ses mots : « il ne peut y avoir de compromis en la matière : ou bien l’attention du chercheur est constamment occupée à essayer de vivre dans l’aspect supérieur de son être, ce qui implique un sacrifice continuel de son moi ordinaire, ou bien il vit aveuglément ». L’ouvrage est très concret, il propose de façon directe des méthodes, des exercices simples ou plus complexes offrant la possibilité de rester présent, de cultiver cette forme d’attention si particulière qui ouvre à la conscience de soi, au sentiment d’être. Rajoutons que, comme pour tous les livres de Salim Michaël, l’écriture fait naître en le lecteur l’aspiration à être présent, à « pratiquer » la présence. On y trouve une densité régénérante.
Notes de Lecture parues en Angleterre à l’occasion de la première édition de The Way of Inner Vigilance :
Note de lecture 1
Note de lecture 2
Devoir commenter un ouvrage d’enseignement spirituel comme celui-ci ne peut que provoquer une profonde inquiétude. Il y a probablement peu de gens sur cette Terre qui soient capables de juger des enseignements de l’auteur depuis un degré de développement égal ou supérieur au sien : « sur ce que l’on ne connait pas, on doit garder le silence». C’est dire combien ce livre m’a impressionné par sa puissance et son intégrité.
Luke Davey
Note de lecture 3
«Connaître» Dieu
Salim Michael n’a rien appris d’important dans des livres ; seul a compté pour lui «connaitre», autrement dit, l’expérience directe. En fait, dans le cas de Salim Michael, l’apprentissage livresque a été impossible jusqu’à l’âge de près de vingt ans, car il était totalement analphabète, incapable de lire, d’écrire, ni de compter. Ainsi écrit-il comme je me plais à imaginer que tous les vraiment grands enseignants du passé auraient écrit (si jamais ils l’auraient fait, ce qui n’est pas sûr). Il n’a absolument aucun doute sur l’existence de la Source Divine, comme il appelle Dieu, parce qu’il a expérimenté cette « connaissance ».
Ce livre est par conséquent une mine d’observations honnêtes sans compromis, d’aperçus intuitifs et de conseils spirituels que j’aurai du mal à prendre en défaut, écrit dans un style qui touche autant qu’il instruit. Ainsi, dans sa préface: «J’ai trouvé que, dès qu’ils peuvent donner à une chose un ‘nom’, les gens ont une curieuse tendance à croire tout savoir à son sujet et peuvent alors, avec la conscience tranquille, la laisser de côté et l’oublier il. Ainsi, j’ai délibérément évité d’appeler certaines choses par leurs noms communément utilisés pour stimuler le désir et le sentiment chez le lecteur de chercher ».
Et encore, dans l’introduction : «Avant que l’aspirant puisse … toucher et comprendre ne serait-ce que la frange du mysticisme … il est nécessaire pour lui de réaliser, à partir du plus profond de lui-même, que ses efforts spirituels ne peuvent lui apporter beaucoup de profit – et peuvent même rester stériles -. s’ils ne vont pas de pair avec le développement de l’intégrité morale. »
Et dans « L’attention et de son importance: (Le chercheur) doit comprendre que consciemment ou inconsciemment, il va nourrir et cristalliser l’état particulier vers lequel il permet à son attention de graviter, lui permettant ainsi de prendre racine en lui et de croître. »
Les chapitres sur l’attitude à avoir quand on est seul («L’aspirant commettrait une grave erreur s’il croit qu’il peut se conduire dans sa vie privée de la manière qui lui plait), en marchant au dehors (« l’impérieuse nécessité qu’il y a pour lui de rester dans un état de conscience de lui-même dans l’action aussi… et pas seulement lorsqu’il médite tranquillement derrière les murs d’un monastère »), voir et entendre (« Généralement, l’être humain regarde mais ne voit pas, il écoute, mais n’entend pas ») illustrent de façon concrète la « connaissance » totale de Salim Michael à partir de sa propre expérience.
Curieusement, et c’est peut-être un exemple de ce qu’on peut y trouver «quelque chose de qualité pour tout le monde » qui est la marque de ce livre, la phrase qui m’a le plus frappé ne se trouvait pas dans les chapitres sur les questions « philosophiques » comme« L’homme et la femme »,« La mère et l’enfant »,« La nourriture et l’être humain », comme j’aurai pu m’y attendre, mais la remarque finale du chapitre sur «La trace que laissent les pensées, les paroles et les actes ».
Résumant sa croyance (en soi rien d’original) que tout ce que nous pensons, disons ou faisons exerce par la suite un effet sur une variété de niveaux visibles et invisibles, il fait remarquer que, tandis que la lumière Divine, ou la Grâce, est durement acquise («avec tant d’efforts et de souffrance silencieuse »), elle doit être redonnée sans réserve aux autres, « sans rien demander en retour ». Et il conclut:. » Ce que la Terre donne, elle le reprend toujours sous une forme ou une autre, mais ce que le Soleil donne est généreusement donné, et jamais repris. »
Je l’avoue sans honte que j’ai eu la gorge serrée en réalisant que c’est précisément ce que Salim Michael a fait et ce que représente ce livre rare.